Critique du jugement esthétique

 

A défaut de dormir le soir, des idées, des pensées, même des envies traversent l’esprit. Parfois en masse d’autres en éclair. Cette fois ce ne fut pas très difficile, sans connexion, seule option qui me reste : lire. Que lire toute une soirée ?

Du KANT : « la critique de la faculté de juger ».

 

Comment les humains se comportent avec la notion du beau ?

 

On dit souvent que les goûts et les couleurs ne se discutent pas et pourtant, voilà qu’est l’os, si vous dites d’un spectacle (peu importe sa nature qu’il soit naturel ou humain) qu’il est beau, une partie de vous-même exigera automatiquement que les autres soient d’accord avec vous, ça, c’est Kant qui le dit, le sujet, lorsqu’il donne quelque chose pour beau, prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas pour lui mais pour tous. Comment concilier ces deux comportements totalement contradictoires ? Comment dire « à chacun ses goûts » tout en voulant s’entendre sur ce qui est beau ?

 

En réalité, ce dont on juge n’est pas vraiment la beauté des choses en elle-même, mais plus, de ce que cette beauté inspire en nous et c’est un fait que le sentiment de la beauté est extrêmement intime que nous ne pouvons comprendre, et en même temps implique une sorte de nécessité intérieure qui est en rapport avec notre propre existence et notre situation dans le monde, et une sorte d’élargissement en nous qui nous pousse vers le besoin de « partage », d’une communication, à chaque fois que l’on ressent un émerveillement quelconque. Ce sentiment de beauté suscite automatiquement ce besoin de partager et, surtout le plus important le besoin de « confirmer » de «communiquer avec autrui » ce sentiment. Ce que l’on peut dire surtout c’est que cette communication du sentiment de beauté, ce partage qui trouve confirmation chez les autres est ce qui crée cette relation d’ « amitié » entre les gens, c’est ce qui pousse les gens à vouloir argumenter sur leurs préférences afin d’essayer de convaincre une personne, qui ne partage pas le même sentiment de beauté, et si cette dernière ne trouve toujours pas ce que l’on trouve beau à son tour, cette personne sera perçue comme étant bizarre car en se retrouve toujours dans l’incapacité de démontrer et de transmettre notre sentiment vis-à-vis de cette beauté perçue et d’en faire la description d’une façon objective .

 

« La communicabilité universelle subjective du mode de représentation dans un jugement de goût, alors qu’une telle communicabilité doit intervenir sans supposer un concept déterminé »

 

« Est beau ce qui plait universellement sans concept »

 

Qu’est ce qui peut être universellement communicable et qui plus est sans concept ?

J’ai failli péter un câble avant de comprendre, car en réalité ce qui peut être communicable universellement sans concept ne peut être qu’une vérité absolue, dans le genre d’une opération mathématique.

Alors pourquoi définir ce qui est beau par ce qui plait universellement sans concept ? Pour la simple raison que ce dont parle KANT n’est pas la chose en elle-même mais du sentiment qu’elle dégage et qu’elle fait naître en nous, peu importe la nature de ce sentiment il reste universellement transmissible.

C’est ce qu’on appelle le sentiment d’esthétique qui, subjectivement «s’épanche» et « s’élargit » en nous afin de trouver universellement une concordance avec autrui ; car (je reprends le vieux problème posé par Descartes) si l’on se trouve en face de quelqu’un à l’apparence tout à fait humaine, comment le différencier d’un automate (à leur époque) ou d’une machine ? La réponse de KANT est : qu’il partage avec moi l’émotion esthétique, s’il ressent comme moi le choc de la beauté alors je sais qu’il est humain.

 

C’est le besoin de partager et de confirmer ce sentiment provoqué par le choc de la beauté qui pousse les gens à vouloir imposer cette vision que l’on a de la beauté et cet avis qui nous tient tant à cœur, cette envie de démontrer la vague intérieure qui nous saisit face à ce que l’on considère beau et qui nous pousse à la subjectivité de l’argumentation.

 

C’est ce qui est appelé la communicabilité universelle. 

 

Cette communicabilité ne concerne en rien la beauté elle-même mais plutôt le sentiment qu’elle dégage en nous, c’est ce qui est universellement transmissible et c’est surtout cela qui pousse les hommes à créer des liens avec autrui.

Ce sentiment s’éprouve comme un épanchement naturel de l’être, une sorte de jaillissement vital qui ouvre l’existence même de la personne à une dimension nouvelle ; il existe des sentiments qui nous rétrécissent et qui nous diminuent, ces sentiments propres à nous qui font que l’on soit différents des autres, mais contrairement à cela le sentiment esthétique est un sentiment qui porte en nous l’humanité entière, l’humain qui est en nous, de fait, sans savoir que c’est un mixe entre entendement et sensibilité, cette nature humaine qui nous fait ressentir ce qu’il y’a de beau et c’est pourquoi ce sentiment est , subjectivement, universel, qui porte en lui un élan ou, un élargissement qui implique, nous le sentons, un autrui humain comme nous qui , à la fois, raisonnable et sensible et qui crée cette sociabilité et cette amitié entre les hommes.

 

Pour illustrer tout cela, KANT se met en tête de prendre les nuages pour l’exemple même de la beauté.

Un nuage, tout le monde s’accordera pour dire qu’un nuage est beau, un ciel parsemé de nuages est universellement beau, et pourtant, le jeu que se partagent petits et grands est de donner une forme libre de leur esprit à ce nuage, une imagination qui se différencie d’une personne à une autre. Si une personne en voit un en forme de lapin, une autre personne n’y verra pas forcément la même chose mais cela n’empêchera pas les deux personnes à s’accorder pour reconnaitre que la beauté subsiste en ce nuage qui, pourtant, est vu de deux façons complètement différentes et cela sans accorder aucune « raisonnabilité» dans le jugement.

Le sentiment esthétique éprouvé lors du spectacle naturel provoqué par le nuage est universellement beau.

C’est de là que nous pouvons nous accorder sur le fait que la beauté n’est pas rationnelle, que le jugement esthétique que nous portons à la beauté est complètement subjectif, le raisonnement n’y est pas dans ce jugement que nous accordons à la beauté informelle dans laquelle, pourtant, l’humain trouve habituellement la beauté dans la forme elle-même, il est lié directement au ressentiment esthétique que cette informalité de la beauté des nuages provoque en chacun de nous. Cette beauté que le rationnel (un météorologue par exemple) ne voit pas du même œil que l’artiste (le poète par exemple) et pourtant c’est cette individualité de la vision d’un certain jeu de la forme qui désigne ce qui est et fait l’hallucination de la beauté qui donne l’occasion à l’esprit la possibilité de tirer de cette forme un instant insaisissable, qui mêle imagination et curiosité, c’est ce vouloir tirer une forme imaginaire d’une forme existante de la nature qui provoque ce sentiment de beauté universelle et qui définit la beauté absolue.

 

La différence entre la beauté universelle et le sentiment de beauté universelle est provoqué par ce mélange qui mêle rationalité et esthétique, cette gratuité de la beauté naturelle qui fait toute la divergence.

 

Prenons pour exemple une personne qui admire un champ de fleurs de loin et qui se laisse porter par la beauté universelle qui s’en dégage, le besoin de convaincre une autre personne de la réalité de cette beauté ou de demander une confirmation, ne naît pas.

Mais si l’on annonce à cette même personne que ce même champ de fleurs n’est en réalité qu’une simple création humaine esthétique, que tout cela n’est en aucun cas naturel, l’intérêt qui fut porté par cette personne au champ change subitement pour introduire une certaine raisonnabilité dans le jugement qu’il porte et le besoin de confirmer ce sentiment qu’il en dégage naît subitement, d’où le sentiment qu’un feu artificiel est toujours moins beau qu’un feu de bois, que la musique est toujours moins belle que le son de la nature, c’est ce sentiment hasardeux et non intentionnel que l’on a face à la nature qui provoque cette beauté universelle.

Le sentiment que l’on a face à une reproduction humaine nous pousse vers le raisonnement du pourquoi et le comment de la chose, et c’est ce sentiment de rationalisation de la chose qui fait que ce ne soit plus une beauté mais un sentiment de beauté.

 

 

Redouane Madani

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