La face cachée des contes de Grimm
Meurtres, infanticides, incestes, cannibalisme et antisémitisme…loin des clichés habituels de Disney, que savons-nous réellement des contes qui ont bercé notre enfance ? 
Le conte, ce genre littéraire longtemps ignoré et mis au second degré s’est montré tout au long du dernier siècle jusqu’au jour d’aujourd’hui un des genres les plus révélateurs de l’Histoire et la psyché des hommes. 
Prenons pour exemple aujourd’hui la fameuse œuvre des deux conteurs les plus célèbres au monde, les frères Jacob et Wilhelm Grimm « Contes de l’Enfance et du Foyer », publié pour la première fois en 1812, ce recueil de contes populaires allemands n’aurait jamais  dû recevoir ce titre, un titre imposé par l’édition (on ne peut finalement pas échapper aux lois du business !) et auquel les frères s’y étaient opposés. Selon le spécialiste allemand des contes de Grimm, Heinz Rölleke : « Jacob Grimm était convaincu qu’on ne pouvait « servir deux maitres à la fois », qu’il n’était donc pas possible de rendre et commenter tout en édulcorant pour faire un livre pour enfants. Mais il finit par accepter, à contrecœur. Le grand écart est parfaitement réussi, au fil des éditions, Wilhelm Grimm, le frère cadet, a adapté les textes au gout des enfants, sans leur ôter de leur substance. C’était le seul moyen de faire de ce livre un succès mondial. »  En effet, beaucoup oublient que les frères Grimm n’étaient pas seulement des collecteurs de contes mais de grands linguistes et philologues, qui ont entamé par ailleurs la rédaction du premier Dictionnaire de la langue allemande et à qui ont doit en Linguistique « la loi de Grimm » , ils furent aussi les premiers à prendre ce genre littéraire au sérieux, leur approche était scientifique, avec un travail philologique assidu. La visée des frères était en effet nationaliste, leur but était de rassembler la littérature allemande ancienne et la poésie folklorique afin de faire prendre conscience aux états allemands de leur identité et héritage culturels et linguistiques communs et valoriser la langue allemande, une sorte de résistance face à l’occupation napoléonienne. 
Le livre fut ensuite réédité 7 fois, de 1812 à 1858, les contes rencontrant à chaque fois de nouvelles modifications. Les textes furent remaniés et teintés de morale chrétienne, tantôt germanisés, tantôt supprimés. En somme, tout pour être plus appropriés à « L’enfance et au Foyer ». 
Mais à l’origine des contes de Grimm se cachent des histoires cruelles et qui ne se terminent pas toujours avec un « Happy End ». Meurtres, infanticides, incestes, cannibalisme et autres sont au rendez-vous. On retient par exemple dans « le Conte du Genévrier » la fameuse expression de l’enfant : « Ma mère m’a tué, mon père m’a mangé, ma sœur a enterré mes os, sous le genévrier, bel oiseau que je suis ». Dans « Cendrillon », les demi-sœurs se mutilent les pieds pour pouvoir rentrer dans la chaussure et sont rendus aveugles par deux pigeons. Dans « Blanche-Neige », la belle-mère sert de spectacle au mariage de cette dernière où elle est condamnée à danser avec des chaussures de métal chauffé jusqu’à la mort. Dans « Milles-Fourrures », une princesse doit fuir son foyer pour échapper à une proposition de mariage forcé de la part de son propre père. Et encore, les contes sont modérés par rapport aux premières versions où il ne s’agit pas de méchantes marâtres dans les contes mais de la mère biologique elle-même (Blanche-Neige, Hansel et Gretel). Des allusions sexuelles ont aussi été supprimées. Dans « Raiponce », celle-ci, dans sa naïveté, fait remarquer à la sorcière que ses vêtements lui sont devenus serrés à la taille (cette dernière comprit alors qu’elle était enceinte), et les exemples sont encore très nombreux. 
Beaucoup voient dans ces contes les traces de persécutions et de violences surtout au Moyen-âge. Selon David Barnett, un auteur et journaliste anglais : « le monde de l’oncle Walt est dessiné pour les enfants, alors que les contes de Grimm dépeignent un monde sombre fait de forets effrayantes où des méfaits encore plus sombres seraient commis et sans être jamais punis. » Certains affirment ainsi que l’on devrait prendre précaution avec ce genre de contes, voire même les interdire. En effet, en 1945, les contes de Grimm furent interdits par les forces d’occupation alliées en Allemagne. Ce recueil de contes qui revendiquait l’identité allemande et la germanité était très prisé par le régime nazi qui l’utilisait dans l’éducation de la jeunesse, montrant dans ces contes des héros à la race aryenne « pure ». Selon certaines sources, le frère de Walt Disney, Roy Disney, se serait rendu en Allemagne afin d’assurer la distribution de « Blanche-Neige et les 7 nains » auprès de Joseph Goebbels, alors ministre de la propagande de Hitler. D’après le journaliste et écrivain Roger Faligot, ce film serait l’un des préférés du « Führer ». La cruauté des histoires et l’accès d’antisémitisme seront pris plu tard pour origines des crimes nazis et d’une psyché « pervertie » de toute une nation. 
En effet, les contes de Grimm contiennent bel et bien des contenus que l’on pourrait juger d’antisémites, fort exemple : le conte du « Juif dans les épines » dans lequel on répand le cliché du juif menteur, escroc et voleur du chrétien, celui-ci sera condamné et pendu à la fin du récit. 
Cela dit, les contes ont suscité au début du XXème siècle et avec l’avènement de la psychanalyse le plus vif intérêt chez les psychanalystes qui selon eux sont plus que révélateurs, comme les rêves, ils ont eux aussi une signification, employant des symboles pour exprimer des désirs refoulés. Selon eux, les contes parleraient aux enfants de leurs inconscients. Dans « la psychanalyse des contes de fées » (qui est devenu un classique dans l’approche psychanalytique des contes), Bruno Bettelheim affirme que les contes aident l’enfant à voir clair dans ses émotions et à prendre conscience des difficultés de la vie. Dans son livre, il propose des interprétations des contes les plus célèbres. Ainsi, dans cette même logique affirme l’écrivain anglais G.K.Chesterton « les contes de fées ne révèlent pas aux enfants que les dragons existent, les enfants le savent déjà. Les contes de fées révèlent aux enfants qu’on peut tuer ces dragons. ». 
Bien ou mal, une chose est certaine, c’est que les contes de Grimm qui fêtent en décembre leur 202 anniversaire et qui suscitent toujours fortement l’engouement des jeunes (surtout avec les dernières adaptations au cinéma hollywoodien de leurs plus grands classiques) ne sont pas prêts à  s’enfouir dans les recoins sombres et oubliés des bibliothèques. 
Ecrit par : Lydia SAIDI

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