Le jugement de Pâris
L'obstiné Pélée, des éacides l'aîné
Ayant soumis la belle, sublime Thétis
Tout l'olympe appelé à fêter l'hyménée
Le très sage mortel a excepté Eris
La discorde, vexée, a, pour représailles
Inventé ficelle digne de son esprit ;
Une pomme d'or lancée lors des épousailles :
« A la plus belle », sur elle était inscrit
L'ombrageuse Héra, jalouse, vindicative
La superbe Aphrodite, éclatante beauté
La guerrière Athéna, à la lutte hâtive
Se disputent le titre, ivres de vanité
Futile controverse dont il faut juger
Ainsi on décida d'à Zeus s'en remettre
Leur donnant Hermès, son fidèle messager
Pour guide, vers l'Ida les envoya leur maître
Où paissaient les troupeaux du prince berger
L’Alexandre troyen, par Zeus désigné
Pâris, fils de Priam, du jugement chargé
Fut pour Zeus le moyen d'ainsi se l'épargner
Madré patriarche, il savait la vindicte
A laquelle s'exposait dans une erreur fatale
L’imprudent bravache, prononçant son verdict
Qui ferait exploser l'ire des rivales
Aussi pour remporter du prince le suffrage
Chacune offrit au juge le prix de sa faveur
Athéna la victoire à la guerre, sans partage
Héra de l'Asie le couronner empereur
Aphrodite, maîtresse en toutes séductions
Connaissant des hommes le fond de leur âme
Offrit d'inspirer pour lui amour et passion
Dans le cœur d'Hélène, la plus belle des femmes
Ainsi le don de Cypris l'enchanteresse
Supplante dans son cœur Athéna et Héra
Pour Hélène il renonce à la lance d'Ares
Au royaume d'Asie, il préfère ses bras
Tout homme de sang-froid se frapperait le front:
« Pour une femme, délaisser un empire !
Cela est insensé », à quoi nous répondrons:
C'est après ses rêves que le sot soupire
C’est fantasme de puceau que d'avoir harem
C'est désir d'impotent que d'aimer à régner
Et tandis que le sot poursuit d'anathèmes
Le choix d'un descendant d'une noble lignée
Pour qui l'abondance est chose fort banale
Et dont la mine aussi bien que la naissance
Ont séduit plus d'une beauté virginale
Qui a nymphe pour épouse, délice des sens
Le sage admire Cypris, qui seule a pensé
A payer sa couronne du même or délicat
Dont elle est faite ; la pomme d'or lancée
L'était à la plus belle, il fallait en ce cas
Donner beauté pour beauté, et non point flatter
Comme Héra l'ambition, mais attiser le cœur
Pauvre Athéna ! L'amour nous a toujours hantés
Bien plus que la guerre, par ses tendres clameurs
De cette vieille légende, vite contée
En quelques pauvres vers de votre serviteur
Foule d'autres que moi à la postérité
Laissèrent des peintures plus riches en couleur
Rubens, Watteau, Simonet, maints que je passe
Furent inspirés, jusqu'au siècle décadent
Où l'art agonise, se meurt et trépasse
Des mains de charlatans, ridicules et pédants
Au talent, la clarté, les références érudites
S’oppose l'autisme, les « signes » biscornus
On raille le classique : « Mais cessez donc vos redites
L'ère est à l'art nouveau, hors des sentiers battus
Le choc, l'étonnement… la folie, pourquoi non ?
Donner du sens à l'art est tellement surfait ! »
Quand nul ne comprend, le cuistre se fait un nom;
L’exégèse du non-sens : le créneau parfait !
Ecrit par : Djawad Rostom Touati.
Image: -Le jugement de Pâris, Pierre Paul Rubens,1639-